Mes rencontres à travers le colloque international du Projet SOHA sur la science ouverte en Haïti

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Émilie Tremblay et Féguens Janvier

Auteur : Féguens Janvier, Haïti

Féguens Janvier a vu le jour dans la capitale de la République d’Haïti (Port-au-Prince) le 14 novembre 1990. Un an après sa naissance, sa famille est de retour dans le Sud du pays, plus précisément dans la commune de Camp-Perrin où il a fait ses études primaires et secondaires. Orphelin de mère depuis 12 ans, il vit maintenant à Port-au-Prince loin de sa famille pour pouvoir poursuivre ses études au niveau universitaire. Étudiant finissant en niveau de licence au département de Psychologie à la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’État d’Haïti, Féguens est très intéressé par la recherche. Il a le désir de continuer ses études universitaires jusqu’au niveau doctoral et donner l’opportunité à tous et à toutes de bénéficier librement des résultats de ses éventuelles recherches.

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Lasyans k’ap pwodwi konesans pou tout moun san paspouki ka sèvi tankou yon zouti pou fè bon jan devlopman. Nan sans sa a, se pou lasyans sispann zafè yon tigwoup epi pou konesans li pwodwi yo sikile libelibè san baryè ekonomik ak sosyal. Kòlòk 3 ak 4 mas nan Pòtoprens la te òganize nan lide sa menm. Tout rankont mwen te fè pandan 2 jounen sa yo pèmèt mwen konprann klè konesans k’ap fèt pou tout moun ak patisipasyon tout sitwayen ka rive soti anpil peyi nan lamizè ak malsite.

            Le colloque international « La science ouverte et le libre accès aux ressources scientifiques : un outil de développement durable », organisé en Haïti les 3 et 4 mars derniers par le Projet SOHA avec le support de certains collaborateurs locaux, a été pour moi l’occasion de faire plusieurs rencontres : des rencontres humaines, conceptuelles et  numériques.

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Jean-Marie Tremblay et Féguens Janvier

               Mes premières rencontres sont humaines parce que ce colloque m’a permis de côtoyer, d’une part, les personnalités qui sont à la base du Projet SOHA alors que je ne faisais que suivre la page facebook du projet et recevoir certaines informations par mail. Parmi ces personnalités qui étaient présentes lors du colloque, il y a eu la professeure Florence Piron de l’Université Laval du Canada; le sociologue Jean-Marie Tremblay, fondateur et directeur de la bibliothèque numérique en libre accès Les classiques des sciences sociales; Emilie Tremblay, doctorante en sociologie à l’Université du Québec à Montréal. Deux autres personnalités étaient aussi très remarquables lors du colloque : Madame Sophie Diboundje Madiba, responsable du centre de documentation du CERDOTOLA (Centre International de Recherche et de Documentation sur les Traditions et les Langues Africaines) et le professeur Pascal Touoyem de l’Université Catholique d’Afrique Centrale (également du CERDOTOLA) qui a fait preuve d’un grand orateur à chaque fois qu’il devait prendre la parole dans le cadre du colloque.

            D’autre part, cet ensemble d’activités sur la science ouverte et le libre accès des ressources 12803138_1050690781643303_87510325513213207_nscientifiques m’a aussi donné l’opportunité de découvrir d’autres aspects de certains professeurs de l’Université d’État d’Haïti (UEH) et d’autres instituts de formation professionnelle dans le milieu haïtien. Trois d’entre eux ont profondément attiré mon attention durant la présentation de leurs sous-thèmes. D’abord, le journaliste de carrière M. Godson Pierre, fondateur du journal haïtien en ligne Alter Presse. Il a montré la nécessité que les articles scientifiques ne soient pas trop volumineux pour être publiables dans les journaux. Ainsi, les journaux participeront à la circulation en libre accès des informations scientifiques. Le journaliste faisait voir à quel point qu’il est difficile de trouver des données sur l’utilisation de l’internet en Haïti du fait qu’il n’y a pratiquement pas d’études réalisées dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres. Ensuite le professeur Schallum Pierre, de l’ISTEAH (Institut des Sciences, des Technologies et des Études Avancées d’Haïti) m’a particulièrement épaté lors de son intervention sur « les médias socio-numériques et les nouvelles pratiques pédagogiques en Haïti ». Il a su montrer comment, de nos jours, les réseaux socio-numériques tels que whatsapp et facebook prennent progressivement place dans les pratiques pédagogiques haïtiennes, dans les universités comme dans les écoles classiques. Ils facilitent la communication et le partage de certaines connaissances entre les différents acteurs de ces institutions. Enfin le professeur Hérold Toussaint qui a présenté son expérience de recherche participative avec le Collectif des Universitaires Citoyens (CUCI) dont il est le coordonnateur. Durant l’étalage des différents ouvrages réalisés par des étudiants et étudiantes de l’UEH sous sa direction, le professeur a fait ressortir la nécessité qu’a la jeunesse haïtienne de réussir ensemble. Pour ce faire, il nous invite à espérer paradoxalement et à nous mettre ensemble afin d’aboutir à une réussite collective qui apportera de la joie à tout le monde.

            Mes deuxièmes rencontres, qualifiées de conceptuelles, sont faites avec toute une série de nouveaux concepts venant d’intervenants différents qui expriment tous le souci de libérer, de rendre visibles un ensemble de savoirs cachés. Parmi ces concepts, je peux citer la science ouverte voulant que les savoirs scientifiques soient accessibles à tout le monde ; la justice cognitive, concept cité plusieurs fois par Florence Piron et Emilie Tremblay et très cher à Shiv Visvanathan, qui combat l’idée que la science est l’apanage des pays du nord et que tout autre pays ayant la volonté de faire la science doit se soumettre aux normes que les pays du Nord ont eux-mêmes définies; le but de ce combat est de mettre fin à l’injustice cognitive (un autre concept que j’ai rencontré dans le cadre du colloque) ; les savoirs métissés, concept employé à maintes reprises par le Professeur Camerounais Pascal Touoyem pour désigner les savoirs locaux ou les savoirs autochtones, tout comme le concept de « développement culturellement soutenable » que le professeur a préféré utiliser à la place de « développement durable ».

            Grâce à la professeure Florence Piron, j’ai pu, une fois de plus, faire de nouvelles rencontres en participant à ce colloque. Cette fois-ci, elles ont été numériques. À la fin du colloque, Florence a présenté toute une série de sites internet et de blogs qui sont de véritables voies de libération des savoirs. En publiant des ouvrages, des articles ou des billets de blog sur des sujets divers en libre accès, ces sites veulent nécessairement mettre fin à l’injustice cognitive imposée par certains pays du nord. Du même coup ils souhaitent sortir de l’invisibilité un ensemble de savoirs des pays du sud qui sont jusque-là occultés.

            Je termine ces quelques lignes en témoignant ma gratitude envers les réalisateurs de cette grande activité sur la vulgarisation de la science ouverte et la volonté de faire de celle-ci un outil de développement durable, tout en leur disant que le colloque m’a grandement impacté, tout comme le groupe facebook du projet SOHA à travers ses publications. Ce groupe m’a marqué dans le sens qu’il me permet de voir que ce réseau social peut bien servir à des fins de liaison et de partage. Ce n’est pas du partage de simples plaisanteries, mais du partage de connaissances ou de savoirs entre des chercheurs, des apprentis chercheurs ou des étudiants des universités des pays d’Afrique et de ceux des facultés et des universités haïtiennes (et vice versa) qui sont liés à travers un groupe Facebook créé en un clic magique.

            Témoignage de curiosité face à la science ouverte ! Oui, je suis curieux de voir comment la science ouverte, qui se veut aussi une science participative, va se forger une place à côté de la science dite traditionnelle pouvant être considérée dans une certaine mesure comme un obstacle sur son chemin. Hélas, je sais que les tenants de l’ancienne science sont détenteurs de nombreux moyens qu’ils sont susceptibles de mettre en branle pour contrecarrer la nouvelle science dans son projet de faire de la justice cognitive un outil de développement durable. Et ma curiosité est encore plus poussée à ce qu’il s’agit de voir l’Afrique ainsi qu’Haïti se lancer dans cette quête de progrès qu’offre la justice cognitive et d’en profiter largement pour sortir de leurs situations macabres actuelles. Pour ce, je comprends que la science ouverte est plus qu’une nécessité. Donc, je ne saurais rester indifférent face à une telle initiative. Il est nécessaire de s’engager ouvertement et fermement afin que la science soit réellement ouverte et accessible à tous ceux et toutes celles qui en ont besoin. Vive le Projet SOHA ! Oui à la science ouverte !!!

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